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La Rue Manga
2 août 2010

Profil Damien Hirst

À quoi ressemble un roi anglais ? À un homme de taille moyenne, lunettes à large monture noire de rocker, chemise blanche au dos orné d'un crâne, décontraction fashion et désinvolte qui fait tout le charme de l'Angleterre. Né en 1965 à Bristol, Damien Hirst est l'artiste roi de la «Cool Britannia», le chef de file de la YBA Generation (Young British Artists), l'esprit fort qui a mené de main de maître sa carrière, sa cote, son studio et ses 120 assistants, bref ses affaires florissantes, en bon disciple de l'économie de marché.

Le temps est loin où ce bad boy faisait scandale en posant à côté de la tête d'un mort, sorte d'éclat de rire punk en pleine morgue pour une vanité obscène et contemporaine. Les grands directeurs de musée se souviennent de la Biennale de Venise 1993 où cet artiste d'un nouveau genre frappa tous les esprits avec son Mother and Child Divided, une vache et son veau découpés en tranches et immergés en fil indienne dans une suite d'aquariums. Séduits, ils le sont toujours par ce diable d'homme qui défiait les limites de l'art, même si sa vente de près de 300 œuvres de 2008, le 15 septembre chez Sotheby's à Londres, copies de celles qui firent sa légende et vraie multiplication des pains, les fait frémir d'horreur.

«Il s'agit de planter un drapeau sur la Lune, d'être le premier artiste à aller directement du studio aux enchères. Il y a une sorte de bravoure là-dedans. Beaucoup de jeunes artistes me trouvent “cool” de prendre un pareil risque à ce point de ma carrière. La plupart des artistes passent leur vie à lutter pour se faire reconnaître et finir un jour au musée. J'aime les enchères, elles sont plus démocratiques. Mon business manager m'a encouragé sur cette voie, alors que toutes les galeries essayaient de m'en dissuader. Beaucoup de ceux qui achètent aux enchères n'ont pas accès aux galeries qui fonctionnent en circuit fermé. J'aime l'idée, aussi parce que tout le monde m'en a dit pis que pendre. J'aime bien prendre le mauvais chemin» , leur répond du tac au tac Damien Hirst, 43 ans, petit œil bleu inquisiteur et cheveux poivre et sel ébouriffés avec art.

 

De l'art à la surproduction

 

Longtemps, ce fils du prolétariat anglais, amateur de billard et de bière, ponctuait ses interviews de «shit» et de «fuck» en guise de virgules. L'art, tendance Sex Pistols. Aujourd'hui, le langage est plus châtié, le discours posé, quoique très direct, l'artiste étonnamment lucide. Sobre, riche «plus de 100 millions de livres», nous dit-il ce père de famille assagi est collectionneur comme ses trois clients émérites, le Californien Eli Broad, le Breton François Pinault, l'Ukrainien Viktor Pinchuk. Un grand Bacon au bleu nuit trône derrière son canapé. Un lapin en acier de Jeff Koons, cette Inflatable Serie inspirée des jouets d'enfant gonflables, est posé sur son bureau comme un trésor antique. En attendant de découvrir son futur musée privé en son manoir de Toddington (Gloucestershire), l'ex-«bad boy» du collectionneur anglais Charles Saatchi semble dans les affres de la légitimisation.

En moins de dix ans, ce roi du marché de l'art a imposé comme un standard dans les salons chics ses Spot Paintings, grands formats blancs avec un semis géométrique de points de couleur à la gaieté décorative, et ses Butterfly Paintings aux papillons englués dans la peinture industrielle qui défient la convention de Washington sur les espèces menacées. Où est l'art, où commence la surproduction ?

«Je ne sais pas exactement combien d'œuvres sont sorties de mon studio. Peut-être 1 000 Spot Paintings. J'ai peint moi même les cinq premiers. Quand j'ai commencé cette série, je l'ai conçue comme une série illimitée. Il existe peut-être 300, 400 Spin Paintings (disque tournant sur lequel la peinture est déversée au hasard du geste), tous de formats différents. À peu près autant de Butterfly Paintings. Je vais arrêter tout ça. La vente aux enchères est un bon moyen. J'ai besoin de faire de la place dans ma tête.»

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